La question que nous aborderons dans cet article est de savoir comment le sujet s'articule dans deux récits de voyage du début de la colonisation française des Antilles : L’Histoire générale des Antilles habitées par les François (1654 ; 1667) du missionnaire dominicain Jean Baptiste Du Tertre qui résida aux îles entre 1640 et 1661, et Voyage aux isles de l’Amérique (1721) écrit par un autre dominicain, Jean Baptiste Labat qui fit sa mission aux îles entre 1697 et 1709. Du Tertre relate de façon thématique le premier établissement des Français sur les îles tandis que Labat en raconte la véritable colonisation en suivant la chronologie de son séjour antillais. À partir de l’analyse de quelques manifestations du sujet dans ces récits de voyage, nous verrons que si le ‘je’ a surtout le rôle de marqueur discursif d’authenticité et de véracité, une autre dimension du sujet surgit aussitôt dans les textes dans le cadre des descriptions où le style neutre du rapporteur du Nouveau Monde se transforme en tableaux suggestifs qui s’éloignent de la véracité. Dans cette tension entre véracité et suggestion émerge ce que nous aimerions, en nous inspirant de Robert Young, appeler le désir colonial.